Phurbu Dolma - Fondatrice

Je suis née à Lhasa, au coeur du Tibet. Dès le début des années soixante, mes parents ont suivi Sa Sainteté le Dalai Lama en exil en Inde.


J’ai fait mes premiers pas au village de Dharamsala, là où mes parents, parmi les premiers réfugiés, assistèrent Tsering Dolma la, la sœur aînée de Sa Sainteté le Dalai Lama, dans ce combat pour notre survie. Je n’ai qu’un vague souvenir de cette période, étant trop jeune à l’époque. Mais quelque chose reste ancré au fond de ma mémoire, chaque fois que je pense à mes jeunes années au village. Des images apaisantes, chaleureuses et réconfortantes défilent alors devant mes yeux, comme un conte de fées. Un village perdu au milieu d’une épaisse forêt, dense de rhododendrons, de conifères et de chênes, où des centaines de babouins des montagnes sautent avec agilité d’arbre en arbre, afin de satisfaire leur faim pendant les longs mois d’hiver. Beaucoup d’histoires d’animaux sauvages circulaient à l’époque, et par peur, nous évitions de nous engager dans les bois.


J’ai changé plusieurs fois de village avant d’être admise au Centre International Sri Aurobindo de Pondichéry, au sud-est de l’Inde. Pendant treize années consécutives, cette institution fut pour moi une véritable maison familiale. J’y avais une vie très confortable et insouciante. On m’enseigna à apprécier et à respecter  chaque moment de la vie. Je porte ainsi en moi quelques mémorables expériences qui me serviront tout au long de mon existence. C’est là que j’ai fait toutes mes études, et malgré une éducation éloignée de ma tradition, j’ai toujours eu cette profonde envie de servir mon pays. D’où me vient cette pulsion ? Cela a souvent intrigué mes professeurs. Probablement à cause du fait que je suis toujours restée au contact avec le village tibétain, que les liens n’ont pas été coupés, et aussi parce que mes parents ont toujours servi au village, ainsi que ma sœur aînée, un peu plus tard.  Je n’oublie pas mes amis de Pondichéry, ni mes professeurs qui m’ont été précieux et qui m’ont aidée à tracer ma voie, ni mes camarades de classe avec certains desquels j’ai encore une relation amicale aujourd’hui. Je leur dois beaucoup et leur fais don de toute ma gratitude.

Quelques années plus tard, j’ai suivi l’exemple de mes parents et j’ai travaillé pendant environ douze ans au village de Dharamsala, en tant qu’institutrice et en tant que secrétaire du Tibetan Children’s Village (TCV), assurant le relationnel avec les parrains de France, jusqu’à ce que des amis d’enfance m’invitent chez eux à séjourner en France. On me présenta alors une brochure qui proposait un bon travail pour un avenir prometteur. Mais je ne fus pas heureuse de cette vie calme et organisée. J’avais toujours servi mon pays en travaillant pour le bien-être des enfants et c’était là mon véritable épanouissement, ma vraie satisfaction. Aussi, me suis-je immergée de nouveau dans cette ambiance, en créant ma propre association Tibet – Les Enfants de l’Espoir.

Hommage à Phurbu Dolma

Elle avait souhaité une belle année 2012 à tous, sur sa page Facebook, en ce 31 décembre, avant de s’envoler vers l’Inde. Ce furent ses derniers mots, mi-anglais, mi-français, à ceux qu’elle aimait…

Elle nous a quittés, comme elle a toujours vécu, dans la discrétion et la simplicité.

Nos chemins se sont croisés en mai 2004, lors de la Foire-expo de Niort, où son pays natal fut mis à l’honneur pendant dix jours. Une jolie rencontre qui allait devenir une histoire d’amitié et de fraternité.

Après des études brillantes, et malgré une éducation hors contexte tibétain, elle portait en elle des valeurs humaines incontestables. Son univers scolaire avait été jalonné d’amour, de respect, de tolérance. Elle vénérait celle qu’elle-même et tous ses camarades appelaient Mère. Son passage au Centre International Sri Aurobindo de Pondichery avait marqué sa vie à jamais. Treize années d’éducation que l’on peut qualifier de moderne et d’avant-gardiste, basée sur l’amour de soi et des autres, au cours desquelles elle partagea le quotidien d’une communauté qui lui forgera une grande ouverture d’esprit.

Cette éducation remarquable qu’elle reçut en Inde, sa seconde patrie, ne fit que compléter et mettre en exergue les valeurs que son peuple a toujours véhiculées depuis des siècles. Elle portait en elle cette magnifique philosophie bouddhiste, faite d’amour, de joie, de simplicité, de discrétion, de respect, de générosité, de bienveillance pour tous, quels qu’ils soient.

Après un parcours riche de vie et d’expériences, elle avait choisi, pour des raisons amicales, de venir s’installer à Nantes où elle gagna rapidement le respect et le coeur de tous. A la tête de l’association qu’elle avait créée en 2006, elle y avait apporté sa marque particulière de Tibétaine, sa vision des choses, portant haut la cause à travers un sens humain exprimé dans sa plénitude, généreux. Ce fut là l’originalité de l’association, dont nous étions tous très fiers.

Discrète et humble, elle ne parlait jamais d’elle-même. Elle était toujours là pour les autres et c’était là son équilibre et son bonheur : servir les autres.

Lucide et courageuse jusqu’au bout, elle a accepté la maladie avec une sérénité étonnante. Elle nous a donné une grande leçon de vie. Elle a rejoint les siens en ce début d’année, pour se laisser porter par eux et les quitter, paisible, dans la douceur, entourée de leur amour et de leur affection.

Aujourd’hui, l’association est orpheline de sa créatrice. Nous avons perdu une grande amie, une soeur de coeur.

Sa générosité et sa simplicité ont marqué à jamais tous ceux qui l’ont côtoyée, de près ou de loin. Elle était Tibétaine, tout simplement.